Current Research Topic: Anti-Limits in Computer Systems

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Position Paper

For the definition, see: http://www-verimag.imag.fr/~maraninx/research/cacm-vp22/

“An anti-limit is both a promise and a deliberate hypothesis that resources will grow as needed”

Talks

ALDIWO, project 2023-2024 (CNRS) - in French

Voir ALDIWO, Anti-Limits in the Digital World

Partenaires et complémentarité

Le thème ETiCS du laboratoire Verimag (UMR 5104) se donne comme objet d’étude la place et l’usage du numérique dans la crise environnementale. Le présent sujet se place dans un questionnement général sur ce que serait un numérique frugal. Florence Maraninchi a proposé dans un article récent de déconstruire le numérique actuel en étudiant ses anti-limites. Cette question exige de se rapprocher des sciences humaines et sociales. Un suivi assidu des séminaires du GDR “Internet, IA et société” a permis d’identifier des collaborations potentielles.

Clément Marquet (Centre de Sociologie de l’Innovation) co-anime le GT “Politiques environnementales du numérique” du GDR Internet, IA et société. A ce titre il a une très bonne connaissance des enjeux environnementaux du numérique. Certains de ses collègues s’intéressent à l’opposition entre innovation et maintenance. Pour ce qui concerne le numérique, ce sujet peut être étudié sous un angle technique en cherchant comment les promesses d’un numérique sans limites font systématiquement l’impasse sur le vieillissement des systèmes informatiques et leur besoin d’entretien.

Méthode de travail envisagée : nous prévoyons de travailler à la confrontation des idées grâce à :

  • (1) deux ateliers destinés à formuler des questions, l’un à Paris et l’autre à Grenoble pour varier les publics ;
  • (2) deux workshops plus formels avec invités, présentations de points de vue sur les questions, et temps spécifique dédié aux doctorants.

La science non faite du numérique

Les impacts environnementaux du numérique sont étudiés en recherche sous deux angles principaux :

  • (1) les approches dites “Green IT” s’attaquent à l’optimisation de consommation électrique des équipements numériques en phase d’usage ;
  • (2) les approches dites “Green-by-IT” ont l’ambition de réduire les impacts environnementaux de secteurs autres que le numérique, grâce au numérique.

Ces directions actuelles ne suffisent pas à couvrir l’ensemble des futurs envisageables quant à la place du numérique dans les bouleversements environnementaux actuels et à venir :

  • (1) il n’y a pas d’exemple dans l’histoire du numérique, où les optimisations n’aient pas été accompagnées d’effets rebond massifs qui annulent les gains de ces optimisations ;
  • (2) Les gains théoriques espérés en proposant une nouvelle génération d’équipements numériques ne sont pas toujours au rendez-vous en pratique, en partie parce qu’une génération ne remplace pas la précédente, mais s’y ajoute, au moins pendant un certain temps ;
  • (3) Il est très difficile d’évaluer la potentielle réduction des impacts environnementaux des autres secteurs qu’on cherche à optimiser grâce au numérique. C’est un pari risqué de tout miser sur le fait que ces réductions seront suffisamment importantes pour autoriser le numérique à ne pas réduire ses propres impacts.

Pour que le numérique prenne sa part de la nécessaire réduction des impacts environnementaux globaux, il faut absolument envisager d’autres pistes que le green-IT et le green-by-IT. Il y a tout un pan de recherche potentielle en informatique qui constitue de la science non faite (Undone Science). On peut aborder ce domaine en envisageant les contraintes extérieures très fortes qui nous obligeront à faire des choix sur ce qui peut/doit être conservé du numérique actuel. Ces sujets peuvent être abordés depuis l’intérieur de la discipline informatique, en réexaminant systématiquement les choix de conception des systèmes anciens ou modernes, en cherchant des points d’optimisation potentielle encore non explorés, en évaluant la fragilité des infrastructures numériques vis-à-vis de contraintes drastiques imposées de l’extérieur, etc.

Au-delà des optimisations : penser la notion de limite dans le monde numérique

La réflexion cantonnée aux domaines de recherche du numérique nous semble cependant avoir deux défauts principaux : (a) elle est intrinsèquement limitée aux aspects pratiques et technologiques de la question, sans bien savoir par exemple comment tenir compte des usages, des effets rebond, des effets d’accélération de tous les autres secteurs, etc. ; (b) elle pâtit, même si c’est parfois inconscient, d’un cadre de réflexion qui voit les technologies numériques comme un (voire le seul) moyen d’ouvrir les futurs possibles, et toute idée de limitation comme relevant d’un pessimisme irréaliste ou d’un manque de confiance condamnable. Or dans son article “Predictions Without Futures”, S. Hong décrit parfaitement comment l’imaginaire du monde technologique, loin d’ouvrir les futurs, les referme complètement.

Dans ce projet, nous proposons donc d’explorer la notion de limite dans un cadre pluridisciplinaire, afin de poser de nouvelles questions. Nous donnons ci-dessous quelques exemples de questions. Les ateliers permettront d’en proposer d’autres et de creuser celles-là.

Innovations versus maintenance

Dans leur livre “The Innovation Delusion”, Lee Vinsel et Andrew L. Russell écrivent : “our obsession with the new has disrupted the work that matters most.” De même on lit dans le résumé du livre de Jérôme Denis et David Pontille, “Le soin des choses”, “Parce que s’y cultive une attention sensible à la fragilité et que s’y invente au jour le jour une diplomatie matérielle qui résiste au rythme effréné de l’obsolescence programmée et de la surconsommation, la maintenance dessine les contours d’un monde à l’écart des prétentions de la toute-puissance des humains et de l’autonomie technologique”.

Un cadre de pensée qui place la maintenance au-dessus de l’innovation nous semble tout à fait approprié pour passer au crible les principes de conception des systèmes informatiques modernes.

L’extensibilité est-elle nécessairement une bonne propriété ?

Dans tout cours de génie logiciel figure en bonne place la propriété d’extensibilité. Il serait intéressant de réfléchir à la nature des systèmes numériques qui seraient produits en adoptant le point de vue inverse : un système est conçu et développé pour un usage borné et limité défini à l’instant t, et tout l’effort est mis sur la maintenabilité plutôt que sur des hypothèses difficiles à vérifier de future croissance ou diversification des usages.

Organisation de la dénumérisation

La croissance actuelle du numérique est clairement non durable. Il est prudent d’envisager que ce problème ne sera pas résolu par la seule incitation à la sobriété des usages, ni même par des régulations drastiques. Une manière d’aborder le problème de face est de commencer à réfléchir à la dénumérisation partielle de nos infrastructures. Toutefois le numérique est tellement répandu et entrelacé avec d’autres systèmes techniques que la dénumérisation ne peut se faire sans analyse poussée des couplages entre systèmes, ni sans planification. Il s’agit d’une forme de démantèlement jamais encore envisagée dans ce domaine. Il n’y a pas (à notre connaissance) de formation au démantèlement raisonné du numérique.

Ce que l’illusion d’un monde numérique sans limites fait à la société

L’omniprésence des systèmes numériques dans le monde actuel, accompagnée de l’illusion de dématérialisation, ont-elles un effet sur la perception des systèmes technologiques en général ? L’apparente absence de limites du numérique ainsi que la rapidité apparente de ses innovations, déteignent-elles sur la perception des autres systèmes technologiques, ou même des systèmes naturels ?